I ls ont fait l’ouverture du Festival de Cannes avec la farce resignee de Jim Jarmusch, « The Dead Don’t Die ». Mais d’ou viennent vraiment des zombies ? Comment se passe une « zombification » ? Elements de reponses avec le medecin legiste et anthropologue Philippe Charlier, auteur d’une formidable enquete i propos des veritables morts-vivants.
Notre Point Pop : Qu’est-ce qu’un zombie ?
Philippe Charlier : Dans les films de George Romero, le pape du genre, le zombie – cet etre depenaille mort-vivant – represente le fantasme en fond contagieuse, votre peur ancestrale des belles epidemies, une peste. Or, le zombi originaire d’Haiti, c’est un individu beaucoup vivant qui, soit parce qu’il a fera du mal a Notre agence (viol, vol, etc.), soit parce qu’il est victime de pratiques de sorcellerie, a ete enfile en etat de mort sociale. Le zombi sans -e, c’est une mort sociale, pas biologique.
Alors, comme ca, nos zombies existent vraiment ?
Naturellement qu’ils existent vraiment. Ils font deux formes de zombis en Haiti : des zombis rituels et les zombis criminels. Dans le premier cas, il s’agit d’un individu dangereux pour la agence. Comme la justice est ralentie par les catastrophes naturelles, il y a un possible plus pratique et expeditif pour empecher les criminels de nuire : on se marche par une agence secrete. luxy Ces societes, grandes au pays, officient a Notre marge d’une religion vaudoue. Afin qu’il n’y ait pas d’erreur judiciaire possible, le fautif reste convoque sept fois Afin de etre mis en vais garder avant qu’on lui inflige une peine annoncee comme « pire que Notre mort » : la zombification. En parallele de cette procedure « traditionnelle », Il est aussi une zombification qui permet de se debarrasser de quelqu’un. Une belle-mere de une bru qu’elle n’apprecie nullement, une epouse de son mari adultere, etc. Des sorciers, des bokors, se chargent de des tuer symboliquement au cours de ceremonies tres impressionnantes.
Pour la enquete, vous avez assiste a quelques-unes des ceremonies. Comment se deroulent-elles ?
Au sein des deux cas, le processus est le meme. On place en chaussures de l’individu ou sur ses vetements, de la tetrodoxine, une drogue presente chez une certaine espece de poissons, nos tetraodons. Melange a des substances botaniques irritantes, votre poison va plonger l’individu dans le coma deux heures prochainement. On la place alors dans un cercueil en lui maintenant les yeux ouverts. Habituellement, on choisit 1 cercueil vitre concernant le dessus pour qu’elle ne perde nullement une miette de sa propre propre mort. Car, meme si elle est en etat de mort apparente – son c?ur bat tres lentement, la respiration reste ralentie, la temperature corporelle abaissee – l’individu reste consciente : elle voit bien, elle entend tout, elle comprend tout. Sans mauvais jeu de mots, et selon les temoignages que j’ai pu recueillir, elle reste morte de peur. Plusieurs individus qui s’en seront sortis m’ont raconte les pelletees de terre qui cognaient dans la vitre jusqu’a l’obscurcissement complet, le noir, l’angoisse, le bruit des battements du c?ur au cercueil. C’est legerement Kill Bill…
On descend ensuite le cercueil au tombeau, comme lors d’un bon enterrement ?
Mais De quelle fai§on les bokors parviennent-ils a nos maintenir dans cet etat ?
On leur donne un menu sans sel, accompagne des fois de barbituriques, qui va provoquer au fur et a mesure, une fai§on d’?deme cerebral qui prive totalement du libre arbitre. Ces internautes sont capables uniquement d’accomplir des taches repetitives : biner votre champ, cueillir du mais, irriguer une riziere… C’est Notre diminution complete des capacites intellectuelles de l’individu.
Plusieurs zombis parviennent-ils a s’echapper et a redevenir comme avant ?
Certains en reviennent. Mais avec des sequelles, des degats neuropsychiatriques, des troubles psychologiques… Cela arrive lorsqu’un zombi parvient a manger la nourriture – salee – du bokor, ou bien lorsque le bokor meurt, ou apres une catastrophe naturelle. L’un des zombis les plus connus et etudies, Clairvius Narcisse (1922-1964) a reussi a s’echapper et s’est offert une tres belle seconde vie. Chacune des jeunes filles lui couraient apres Afin de voir ce que i§a faisait de coucher avec votre zombi !
Y a-t-il des recours pour ceux – meme peu nombreux – qui s’en sortent ?
Il semble important de preciser en effet que les deux formes de zombification sont punies par le Code penal haitien, au aussi titre qu’un assassinat. Le probleme pour ceux qui s’en sortent, c’est qu’il y a eu un certificat de deces. Or, les certificats de « resuscitation », bien sur, n’existent jamais. Me Emmanuel Jeanty, au barreau de Port-au-Prince, se bat aujourd’hui pour que la loi evolue. Il propose un certificat d’adoption par la famille d’origine, qui permettrait de reintegrer ces individus dans la societe.
Combien y a-t-il aujourd’hui de zombis en Haiti ?
A peu pres une dizaine de milliers, mais le chiffre reste en general largement sous-evalue. Le quotidien Notre Nouvelliste evoque un cas de zombi toutes les semaines ou tous les quinze heures dans ses colonnes.
« Zombis : enquete sur les morts-vivants », de Philippe Charlier, Tallandier, 2015.« Mes Zombies : le quotidien au-dela d’une fond », de Philippe Charlier (textes) et Richard Guerineau (dessin), J’ai Petite Bedetheque Plusieurs Savoirs, 2017.
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